jeudi 18 octobre 2007

"Théoriques en tant qu'oeuvres, oeuvres de théorie" par Anthony Poiraudeau


















Anthony Poiraudeau, La Peine et l'effroi (autoportrait en théoricien d'art),
deux photographies couleur, 2006


Voici un texte que je viens d'écrire au sujet de mon activité d'artiste.

Ah ! L'abstraction épouvantable ! L'effroyable spéculation !



Fiction 1 : Théoriques en tant qu'oeuvres, oeuvres de théorie


Avant d'être artiste, et bien plus que de l'être, je suis un théoricien de l'art. Et, d'un point de vue intellectuel du moins, je le revendique. C'est à ce titre et depuis ce point de vue que pourrait se voir le fait que je réalise des oeuvres dont je reconnais la paternité.
Ceci n'est pas un programme, mais une manie et une ambition. Il s'agit de se concentrer sur le problème philosophique crucial, fondamental, posée sur et par l'art : la nature critique de l'oeuvre d'art, la capacité d'une oeuvre d'art à mettre en danger la pensée qui la fonde. C'est à dire qu'une oeuvre, certaines d'entre elles, peut mettre en danger la notion même d'oeuvre d'art, et ceci sans cesser d'en être une. C'est à dire qu'une oeuvre peut opérer un travail de pensée (puisque mettre en danger une notion en est un) sans recourir aux moyens de la théorie que sont le langage et les concepts, mais en faisant usage de ses composantes propres : lignes, formes, couleurs, matières, espace, durée, images. Dès lors, bien sûr, cette nature critique de l'oeuvre est au moins double puisque, critiquant théoriquement et en tant qu'oeuvre d'art la notion d'oeuvre, elle critique aussi celle de théorie.
Des oeuvres d'art qui pensent, et pensant, mettent en danger la notion d'oeuvre et celle de pensée. D'où ce qu'écrit Georges Didi-Huberman : « La peinture pense. Comment ? Question infernale. Peut-être inabordable pour la pensée. » (Georges Didi-Huberman, La Peinture incarnée, Paris : Minuit, 1985, p. 9) La charge hautement électrique de cette configuration intellectuelle nous permettant d'imaginer cet extrait joué comme ceci :
- La peinture pense.
- Comment ?! Ah ! La question infernale !
- Peut-être inabordable pour la pensée...

C'est le cadre intellectuel dans lequel j'entends me positionner en tant qu'artiste. Celui dans lequel la nature théorique et critique de l'oeuvre est un enjeu central. Celui qui permit par exemple au peintre italien Luca Giordano d'écrire que Les Ménines de Velazquez sont « la théologie de la peinture ». Faire acte de théorie donc, par des oeuvres. Produire des lieux, des images qui interrogent, révèlent ou proposent ce que peuvent être des images ou des lieux. Les oeuvres sont alors comme des montages de documents sur « la question infernale. »
Théorie – Oeuvre – Document : voici les trois fils que j'ambitionne de tresser ensemble dans les oeuvres que je crée.



© Anthony Poiraudeau, 2007

1 commentaire:

Anonyme a dit…

C'est quoi selon toi, et parmi ce que t'as fait jusqu'ici, l'oeuvre qui correspond le mieux à ce que dit ton texte ?