samedi 20 décembre 2008

PEINTURE
Lagueff
, Pietà, 2008.
ou:
L'impuissance du crabe.
100 x 80 cm.
Acrylique, feuilles d'argent et papier peint sur toile et carton plume.

mercredi 17 décembre 2008

Danse macabre, sa chute (2008)
par Tony Guillois

Laque glycéro, acrylique et crayon sur carton gris.
240x120cm

Detail 1


Detail 2


mercredi 3 décembre 2008

"PHOTO post-it n°9"
Lagueff, Made in France, 2008.
ou:
La révolution commerciale.

mercredi 5 novembre 2008

RAB Littérature Francaise Moderne


Tout est dit....

Source - Université de Rennes II (photo Jean-Marie)

vendredi 31 octobre 2008

frustration du troufion nippon...




... qui, bénéficiant d'une permission exceptionnelle de quitter le champ de bataille, entreprend la démarche admirable de courir les foires d'art contemporain afin d'y dilapider sa maigre solde dans l'acquisition d'œuvres du collectif R.A.B., lesquelles ne s'y trouvent pas.

C'était un nouvel épisode de ma série "humour fin et grand écran". En vous remerciant.


Anthony



(image extraite de : Clint Eastwood, Letters from Iwo Jima, 2006)

dimanche 26 octobre 2008

Mississippi, Mississippi !, par Anthony Poiraudeau






Voici la version numérique de ce que je préparais au mois d'août dernier, de ce que j'aurais dû exposer à Sallertaine en Vendée. L'exposition, que nous devions faire à deux avec Laurent, devait se tenir de fin août à fin septembre ; elle avait finalement été annulée.
En préparant ceci, comme souvent, je constatai que ce que je faisais là n'était qu'un point de départ, et c'est ce qu'aurait été mon installation pour Sallertaine : le point de départ avec images d'un texte auquel je veux donner une bien plus grande envergure, une longueur beaucoup plus importante. J'y travaille, je commence à y travailler (c'est pour l'instant mon écrit le plus outrageusement littéraire, et je me demande s'il n'est pas qu'un mauvais pastiche de Faulkner).
Mon problème récurrent : comment exposer du texte ? aura pour cette fois été dissipé de fait, l'exposition n'ayant pas eu lieu. Tout de même, je vais devoir me décider à y réfléchir plus méthodiquement à l'avenir.

Merci à François Bon, qui m'as très spontanément autorisé à utiliser comme bon me semblait un beau texte qu'il a écrit sur William Faulkner et sa traduction en français par Maurice-Edgar Coindreau. Contrairement à ce que j'avais d'abord pressenti, il n'y a presque plus aucune trace visible de ce texte de François Bon, mais je sais très bien qu'il y est aussi. C'est de ce texte que je tiens l'anecdote du recours de Coindreau, pour traduire Faulkner, au patois entendu dans l'enfance. Pas de trace de cette anecdote dans Mémoires d'un traducteur de Maurice-Edgar Coindreau (entretiens avec Christian Giudicelli - Paris : Gallimard, 1974), comme je l'espérais.

Hélas ! les dessins (originaux sur format A3) ne rendent absolument rien sur cette page, je les reproduis quand même, malheureusement plus pour témoigner de leur existence que pour autre chose.











Les Prairies du massacre


Y retournant après quinze ans pour la première fois je trouvai ces lieux inchangés. Non que je les visse au travers des mêmes idées mais avec le même regard, par lequel je comprit que nos yeux sur certaines choses peuvent ne point changer et sont à même de percer le jour au travers de nos érosions. Inchangés le regard et les lieux eux-mêmes, délivrant la même sensation quoique je la compris moins mal et que j'osai désormais y admettre la noirceur terrible à laquelle son ivresse enfantine était rétive. L'épouvante, l'hébétude et la fureur incurables des aïeux n'y étaient pas moins que l'enthousiasme irrémédiable de l'enfance.

C'est à l'est du village de mon enfance. Aussitôt après la sortie du bourg, on longe la vallée du *** ****** par le haut de prairies en pente douce. De l'autre côté du ruisseau, d'autres prairies, qui remontent légèrement pour former l'horizon. Ces deux versants se font calmement face et cachent presque le cours d'eau fluet qui pourtant les organise. Enfant, je jouai souvent là, et plus fréquemment encore sans même pénétrer cet espace, m'y projetant seulement en imagination quand je le voyais depuis ses abords. J'y vécut des aventures enchantées.

Ces lieux me parlaient d'ailleurs et me promettaient la joie perpétuelle, peut-être celle de devenir quelqu'un d'autre et d'être celui-là depuis moi-même. L'ailleurs qui était sous mes yeux, à quelque pas en contrebas et à un jet de pierre en face, je devais déjà vouloir lui donner le nom de Mississippi. Je ne savais du Mississippi que ce que l'on en peut voir dans Tom Sawyer mis en dessin animé pour enfants. C'est-à-dire rien : d'adorables bambins espiègles vivant des aventures excitantes dans une société austère mais bienveillante, où les esclaves, car on les y trouve encore, sont traités avec bonté. Ces épisodes sortis de studios japonais, non sans charme et pauvrement animés, où les enfants WASP tournent les pages de leurs livres de gauche à droite, avatars dégradés de la mythologie, étaient toute ma connaissance des grands espaces américains du XIXè siècle. Le décor qu'ils dessinent n'est pas plus proche des rivages du Mississippi qu'il ne l'est des abords de mon village, et ces deux derniers n'ont guère de rapport entre eux, sinon celui-ci : ils sont des paysages de l'espace disponible, des lieux du possible. Le Mississippi ce n'est alors pour moi pas tant le fleuve que sa vallée, ses abords, où le sol est ferme et tendre, où l'on peut marcher et courir à perte de vue.



dans ce Mississippi de 1833, avec un fleuve rempli de bateaux à vapeur chargés d'imbéciles ivres et couverts de diamants et décidés à se débarrasser de leur coton et de leurs esclaves avant que le bateau n'eût atteint la Nouvelle-Orléans [1]




Bientôt trentenaire, lorsque je les revis, les lieux me remuèrent, toute petite vallée qu'ils fussent : ce que j'avais sous les yeux, c'était le Mississippi. Toujours celui de ce qu'il peut y avoir d'enchanté dans une enfance mais aussi l'Etat du Dixie, celui de William Faulkner dont j'étais devenu lecteur et dont on ne sait ce qui se passe dans ses romans, si ce n'est que ce qui s'y passe est terrible. Terrible également est ceci : ce Mississippi là, effroyable et sublime, m'enchante lui-aussi, d'une façon combien plus douloureuse.

Ce dont la connaissance m'était impossible dans l'enfance, car nul ne le savait plus, ni ici ni nulle part, est que Faulkner vint véritablement ici, voir le sol calmement penché et la façon dont l'horizon d'ici découpe le ciel. Une fraîche matinée de mai 1951, dans l'air sec et clair, la petite silhouette de ce corps trop court et fluet pour que l'armée en voulut mais dont les épaules étaient follement larges déjà du regard de ceux qui verraient en lui la littérature en personne, le profil majuscule du grand écrivain cassé par trop de pochetronnades et de chutes de cheval embiturées marcha quelques instants là, sous le regard intimidé du campagnard qui avait stationné son automobile quelques mètres plus haut sur le bas-côté, l'en avait fait descendre en lui disant “c'est là, monsieur, ça s'est passé là.” Un autre aussi le voyait au même moment qui était à l'initiative de cette visite et avait été assis sur la banquette arrière dans la voiture, à la gauche de Faulkner, c'était Maurice Edgar Coindreau. Plus grand traducteur de Faulkner en français, quarante ans professeur à Princeton et natif pourtant de La Roche-sur-Yon, quarante kilomètres en avant d'ici, Coindreau le premier maçon du monument de gloire marmoréenne édifié pour Faulkner avait recouru aux souvenirs qu'il avait du patois de sa nourrice yonnaise pour accomplir l'admirable tour de force que sont des dizaines de pages de français déchiré dans la bouche d'un gamin du Mississippi débile et terrifié d'amour. Ce Vendéen illustre et parfaitement inconnu avait, je dois le croire, entendu l'histoire de douleur, de rage et d'avilissement dont les lieux sous leurs yeux et leurs pas en cet instant avaient été le théâtre. Par politesse envers Coindreau, par faiblesse ou gratitude pour le patois grâce auquel des Compson, des Bundren et des Grove purent prononcer balbutiements et logorrhées, souiller la langue de Racine comme ils avaient outragé celle de Shakespeare, Faulkner accepta l'invitation et consentit à cette visite.

Personne au village certainement n'eut connaissance de la visite de l'écrivain, non tant celle de celui-ci plus que d'un autre, mais du passage d'un écrivain américain, n'importe lequel mais prix Nobel et scénariste pour Hollywood, venu là pour voir, car l'histoire d'ici que l'on ne racontait plus avait été portée à ses oreilles ou sous ses yeux.


















[1] William Faulkner, Absalon, Absalon ! (1936), Paris : Gallimard, 2000, p. 40.


© Anthony Poiraudeau - 2008 (pour le texte)
© Anthony Poiraudeau - 2008 (pour les images)
/ sauf première image en partant du haut (© Joel Coen, The Big Lebowski, 1996) et sixième image en partant du haut (dessin animé Tom Sawyer, d'un studio d'animation japonais dont je n'ai pas retrouvé le nom, aux alentours de 1980)

mardi 7 octobre 2008

L'arbre de Ta (2008)
par Tony Guillois


Laque glycéro, acrylique et crayon sur carton gris.
240x80 cm
Détail 1
Détail 2
Détail 3
Détail 4

mardi 30 septembre 2008

Work in Progress


Tous les lundis soir, sur le site de vide cocagne "le Club", Jean-Marie Flageul participe à l'effervescence de la bande dessinée en ligne. Les participants ont jusque minuit pour mettre leur création qui enrichissent des récits assez énigmatiques. L'échange entre les participants et les internautes permet de progresser dans le contenu et le rendu. Expérience à la fois nouvelle et enrichissante, Le Club promet de bonnes choses.

jeudi 18 septembre 2008

Rennes poster




Plan fictif de la ville de Rennes.
Projet mené par Laurent Dupont et Jean-Marie Flageul

Début du projet 2007

Réalisation Mars 2008

Envie de...



lundi 15 septembre 2008

"PHOTO post-it n° 8"
Lagueff, Fermeture annuelle pour cause d'inventaire, 2008.
ou :
Le club de l'amitié.

samedi 13 septembre 2008

Il pleut (2)


Labordette Avril 2008 Jean-Marie

Toujours de la pluie... par Jean-Marie Flageul




Après une période de vide...
Un bureau actif et la pluie qui tombe sur les carreaux.
...Deux dessins...

lundi 25 août 2008

Tu n'as rien vu à Sallertaine. Rien.



Deux d'entre nous, Laurent et moi, auraient dû exposer à Sallertaine, village du nord-ouest vendéen, dans le marais dit "breton vendéen". L'exposition, accueillie par Le P'ChIT - association de développement de création contemporaine en milieu rural -, devait se tenir du 24 août à fin septembre 2008 dans l'ancienne école communale. Elle n'aura pas lieu malheureusement, et nous le regrettons. Une nouvelle occasion d'exposer en ce lieu et avec cette association se présentera certainement en 2009.

Pour ma part, je montrerai bientôt ici - sous une forme différente donc - ce que j'aurais présenté à Sallertaine.

Anthony

samedi 23 août 2008

"regio dissimilitudinis", par Anthony Poiraudeau

Jean-Marie Flageul, La Région de la dissemblance. Affiche deux couleurs sur papier, 42 x 29,7 cm. 2008.


Voici le texte que j'ai rédigé pour la publication d'R.A.B. La Région de la dissemblance, présentée au billet précédent (voici aussi des images des oeuvres que le texte commente). C'est donc le contenu de ce petit ouvrage mais pas l'ouvrage lui-même qui, aussi objectivement qu'il m'est possible de l'être, est un très bel objet. En diffuser le contenu n'en dissipe donc pas la raison d'être. N'hésitez pas à nous demander cette publication par courriel à notre adresse électronique : collectifrab@yahoo.fr - c'est gratuit.

Anthony




REGIO DISSIMILITUDINIS


"Tu as frappé sans cesse la faiblesse de mon regard par la violence de tes rayons sur moi, et j'ai tremblé d'amour et d'horreur. Et j'ai découvert que j'étais loin de toi, dans la région de la dissemblance[1]."
Saint-Augustin


Erwan Feigna, Collection. Projection vidéo sur écran, 165 x 230 cm. 2006. Accrochage de Vern-sur-Seiche, 2008.


Il y a, accroché au mur, un écran noir en forme de toile. Du tissu tendu sur un châssis. Ce n'est pas un tableau même si ça en a la forme. Sur cet écran noir, six papillons changent de couleurs. Le mouvement de ces images n'est que celui des couleurs, car les formes de papillons sont parfaitement immobiles, comme épinglées derrière une vitre. Cet assemblage ne ressemble qu'imparfaitement à plusieurs supports de présentation visuelle : une fausse vitrine en forme de tableau qui sert d'écran. Mais un écran noir, c'est chose peu ordinaire. La lumière colorée n'est en fait projetée que sur des zones très précisément délimitées, des surfaces blanches en formes de papillons. Le dispositif est simplement celui du cinéma : un appareil projette de la lumière sur un écran pour former des images sur celui-ci et les animer.


Erwan Feigna, Collection. Projection vidéo sur écran, 165 x 230 cm. 2006. Accrochage de Vern-sur-Seiche, 2008.


Cette installation reconstitue une scène très célèbre : l'allégorie de la caverne. Dans le VIIe livre de La République, Platon décrit, via Socrate, des hommes emprisonnés dans une caverne, qui ne voient du monde extérieur que des ombres d'objets que les geôliers leur font prendre pour la réalité. On les manipule de façon à ce qu'ils prennent l'ombre pour l'objet réel et le simulacre pour la réalité. Collection, d'Erwan Feigna, est aussi une machine à fabriquer des simulacres – ce que sont les images, les apparences et même l'ensemble du monde sensible pour le platonisme.
Saint-Augustin est un héritier du platonisme et du néo-platonisme, et on peut tout à fait assimiler “la région de la dissemblance” au monde sensible de Platon. Selon le mystique chrétien, la regio dissimilitudinis est la nôtre, celle du sensoriel, du sensible et du périssable. Elle dissemble de Dieu, qui est au-delà de toute perception, de toute forme et de toute mesure.
La regio dissimilitudinis parcourt toute la chrétienté jusqu'à la Renaissance – au moins – mais la disqualification du sensible qu'elle engage n'a pas empêché les civilisations chrétiennes de produire des images et de se rapporter au monde sensible. C'est que la région de la dissemblance n'interdit pas l'image chrétienne, elle la travaille. De ce point de vue, toute image sera fatalement imparfaite, mais en assumant sa dissemblance, elle se donnera d'autres enjeux que la seule ressemblance : des enjeux de présence, de présence visuelle, c'est-à-dire de visualité. Cette dialectique entre ressemblance et dissemblance, entre représentation et présentation, entre visible et visuel, se joue d'ailleurs dans toute image, chrétienne ou pas, pieuse ou non [2].

La dialectique du dissemblable se joue dans Collection, où l'effet de contraste est fort entre le plan des six papillons colorés et celui du fond noir, profond et mat. Aucune lumière ni couleur ne vient frapper le noir de l'écran qui borde sans transition l'éclat des papillons. Il nous fait face, muet, infranchissable. C'est un obstacle, un barrage, un terminus qui nous résiste. Nous le voyons ne rien nous montrer, rien d'autre que lui-même.

Tony Guillois, Nature morte à la compassion (à gauche). Laque glycéro, mine de plomb et crayon sur carton gris, 300 x 160 cm. 2006 - Danaé (à droite). Laque glycéro, mine de plomb et crayon sur carton gris, 240 x 160 cm, 2007. Accrochage de Vern-sur-Seiche, 2008.


Regardons le fond des images, ces pans qui nous font face et qui portent ce que nous voyons. Le fond des quatre tableaux que Tony Guillois montre ici est indistinct et enveloppant, il est difficile d'y voir quelque chose de bien précis. Ces fonds ne ressemblent à rien d'arrêté : c'est du sombre, du brun, du gris. Mais ce ne sont pas des espaces de vacuité, ce sont des milieux actifs, d'où naissent les formes, les figures et les corps représentés par le peintre – qui sont comme organiquement nés d'un arrière-plan matriciel. Parler ici de premier plan et d'arrière-plan semble mal approprié, car le potentiel de figuration est d'une même intensité sur l'ensemble de la surface de chaque tableau. Le “fond” figure autant que les “figures”, les figures figurant en acte ce que le fond figure en puissance.

Tony Guillois, Le Songe de l’Olympia. Laque glycéro, mine de plomb et crayon sur carton gris, 320 x 120 cm. 2008.


S'il peut être ici question de figure, c'est surtout au sens de la théologie médiévale, pensée de la regio dissimilitudinis, pour laquelle une figure n'est pas un motif de signification fixe et de représentation univoque. L'enjeu de la figure n'est pas d'abord la ressemblance, mais le détour vers une présence toujours différée. Dans ces conditions, l'image se donne comme le vestige de ce qu'elle figure. Or, chez Tony Guillois, les corps qui s'extraient de leur milieu sont des chairs en souffrance. Ces carcasses sont prises par la destruction et le dépérissement mais on peut encore distinguer quelque chose du corps sain qu'elles ont peut-être été. C'est exactement ce qu'est un vestige. Le travail d'écorchement et arrachage de la surface redouble cette nature de vestige et donne aux tableaux leur pleine mesure figurale : ce sont autant des images de vestiges que des vestiges d'images. La défiguration n'est pas seulement représentée, elle est aussi présentée et réalisée. Le visuel est le milieu indépassable du visible. Nos yeux fouillent le visible quand le visuel nous claque au fond des yeux, car il est une puissance, la puissance par laquelle une image peut nous regarder, nous voir. Ce qui résiste à notre regard nous voit d'une certaine façon – nous menace ? –, nous promet la mort et peut-être l'amour : c'est ce qui fera toujours retour, ce dans quoi notre regard est pris, lui qui croit trop souvent ne faire qu'y prendre. Toute chose visible et muette nous faisant face nous dit quelque chose de nous-mêmes que nous ignorons et que nous ne pourrons jamais tout à fait connaître – car il est impossible de penser et de voir depuis ailleurs que soi-même. Cette vision, cette connaissance depuis radicalement ailleurs que nous-mêmes, il nous est possible de les concevoir, mais pas de les habiter. Cette place ne sera jamais la nôtre, mais tout ce qui est à cette place, c'est à dire tout ce que nous pouvons voir – tout sauf nous qui voyons – d'une certaine façon nous voit.


Lagueff, 1. Errance : La Bile noire (Martyre de Saint Sébastien) (à gauche). Acrylique et carton plume sur toile et papier peint, 100 x 80 cm. 2007 - 2. Connaissance : Luttes intestines (David contre Goliath et le petit Jonathan) (au centre). Acrylique et carton plume sur toile et papier peint, 100 x 80 cm. 2007 - 3. Naissance : L’Origine du monstre (à droite). Acrylique et carton plume sur toile et papier peint, 80 x 60 cm. 2007. Accrochage de Vern-sur-Seiche, 2008.


La dialectique du visuel et du visible est aussi une question de surfaces. Les cinq œuvres de Lagueff sont à la fois des images figuratives – on peut y reconnaître quelque chose – et des agencements de surfaces. Le regard va et vient entre ce pour quoi les surfaces colorées se donnent (une Vierge à l'enfant sous une arcade par exemple) et ce qu'elles sont : des zones colorées qui se côtoient, monochromes, épurées et très nettement délimitées. Lagueff pousse très loin l'aspect de surface neutre et distante des éléments qu'il agence de manière complexe, de telle sorte que la scène ne se reconnaît pas toujours au premier regard. Pourtant, le sujet et le récit de ces images ne sont pas du tout secondaires, il engage les sentiments les plus profonds de l'artiste et ont certainement une fonction cathartique.


Lagueff, 4. Reconnaissance : La Ventriloque et son troisième œil (Vierge ascendant gémeaux). Acrylique et carton plume sur toile et papier peint, 100 x 80 cm. 2007.


Ce cycle de cinq tableaux est une confession décorative, qui ne renonce ni à l'agrément, à la légèreté et à l'immédiateté du décor, ni à la gravité et à la rumination de la confession. Le regard cherche ce qu'il y a à voir, le visible, la scène représentée, mais il est aussi ramené à la stricte surface de toile peinte, recouverte de papier peint et de courbes de carton-plume. Cette surface décorative est le milieu visuel de la scène visible, c'est cette surface qui nous voit pendant que nous regardons la scène peinte. Une image, en représentant une réalité absente, quelque chose qui n'est pas là, se présente aussi elle-même – elle se donne, dans le même temps, à la fois pour ce qu'elle n'est pas et pour ce qu'elle est.


Laurent Dupont, Les Lectures hivernales. Feutre sur rhodoïd et bois. 2007-2008. Accrochage de Vern-sur-Seiche, 2008.

La surface visuelle est comme la vitre contre laquelle la mouche se cogne quand elle part vers ce qu'elle voit plus loin. Au sens propre, Les Lectures hivernales de Laurent Dupont jouent de cette situation. L'œuvre est une série de pans transparents, recouverts d'écriture noire et posés chacun sur une des vitres de l'espace d'exposition – chaque pan épousant les dimensions de la vitre qui le reçoit. L'œuvre est peu visible : en entrant dans la salle où elle est accrochée, elle n'attire pas le regard, solidaire qu'elle est du cadre à l'intérieur duquel nous voyons les œuvres d'art. Les Lectures hivernales altèrent légèrement la visualité de l'espace, c'est-à-dire les conditions de visibilité en son sein, car elles filtrent quelque peu la lumière venue de l'extérieur. Quand on regarde l'œuvre elle-même, nous nous trouvons face à des pans d'écriture manuscrite, au travers desquels nous voyons l'espace au dehors. Sur la surface des vitres à proximité de notre regard, nous pouvons lire les textes, considérer la durée nécessaire à leur copie, constater qu'ils sont cohérents, construits de phrases complètes s'enchaînant logiquement. Mais la surface écrite n'est que partiellement lisible du fait de son échelle : des pans entiers sont trop loin du regard pour pouvoir être lus ; et pour envisager l'ampleur de l'oeuvre, il nous faut prendre une distance qui empêche la lecture. L'œuvre demande des regards alternés, entre celui, rapproché, qui permet la lecture et celui, éloigné, de la considération visuelle de l'ensemble. C'est donc une œuvre dialectisant la lisibilité et la visualité, où l'une le dispute à l'autre. On finira par détailler du regard sans plus lire continûment, mais en suivant les lignes d'écriture qui oscillent dans la lumière, ou en recevant la lumière qui oscille entre les lignes de texte.

Laurent Dupont, Les Lectures hivernales. Feutre sur rhodoïd et bois. 2007-2008. Accrochage de Vern-sur-Seiche, 2008.


Tant Lagueff que Laurent Dupont auront abordé la question de “la région de la dissemblance” selon un point de vue consécutif à la pensée de Saint-Augustin. La série de toiles de Lagueff fait le récit d'une construction familiale : l'homme seul rencontre une femme et ensemble ils ont une descendance ; mais l'intimité et la proximité entre ces êtres ne seront jamais fusion, la ressemblance ne sera jamais parfaite. Les textes que Laurent Dupont a recopiés sont issus des livres que lisaient ses proches au moment où il réalisait son œuvre ; c'est une manière de les rejoindre dans leur solitude d'individu, que nul autre qu'eux-mêmes n'habitera jamais. La dissemblance est ici pensée comme différence irréductible entre les personnes, conséquence fatale de la séparation des individus – c'est le sort des êtres déchus, dissemblables de l'Unité de Dieu si ardemment désirée par Saint-Augustin.

Jean-Marie Flageul, lettrage #1 #2. Impression numérique sur papier, deux fois 100x500 cm. 2008. Accrochage de Vern-sur-Seiche, 2008.


Lettrage de Jean-Marie Flageul rejoint Les Lectures hivernales quant à la question du lisible. L'œuvre est constituée de deux grandes bandes de papier imprimé, chacune d'un mètre de large et de cinq mètres de haut. Ces deux parties ont chacune pour fond trois pages de texte agrandies, issues de l'édition de poche d'Au Bonheur des dames d'Emile Zola. Ce support lisible est dissimulé (dissimulé et dissemblable sont étymologiquement parents et concernent tous deux une altération de l'apparence) sur de larges pans par du noir qui détoure de grandes lettres : sur toute la hauteur des deux grandes bandes de papiers, le texte imprimé des pages du livre sert de fond aux lettres écrivant “AU BONHEUR DES DAMES”. Le plan du lisible passe à l'échelle de toute la hauteur de l'oeuvre et engage un recul spatial du lecteur. Quant au plan initial du lisible, que sont les pages agrandies du livre, il est bien plus un plan du visuel : le texte, qui ne sera guère lu mais identifié comme texte et comme page de livre, est orné suivant les motifs que l'oeil capte parmi l'agencement des lettres. Des lignes de texte sont regroupées en des bandes colorées, des zones de blancs entre les lettres sont surlignées de couleurs vives, comme des serpentins qui courent de haut en bas des pages, faisant fi du potentiel de significations verbales au coeur duquel ils se fraient un chemin en zigzaguant. La visibilité du lisible est ici matière de visualité. La lisibilité des deux textes est à la fois redondante l'une de l'autre – l'un écrit le titre du roman duquel est extrait l'autre – et conflictuelle : on ne peut lire “AU BONHEUR DES DAMES” sans cesser de lire Au Bonheur des dames, et vice versa. Cette oscillation du regard, cette dialectique est aussi celle du visuel.


Accrochage de Vern-sur-Seiche, 2008. De gauche à droite : Tony Guillois, Danaé. Laque glycéro, mine de plomb et crayon sur carton gris, 240 x 160 cm, 2007. Accrochage de Vern-sur-Seiche, 2008 - Jean-Marie Flageul, lettrage #1 #2. Impression numérique sur papier, deux fois 100x500 cm. 2008 - Laurent Dupont, Les Lectures hivernales. Feutre sur rhodoïd et bois. 2007-2008 - Erwan Feigna, Collection. Projection vidéo sur écran, 165 x 230 cm. 2006.


Notes :
[1] Saint-Augustin, Confessions (391-400), livre VII, chapitre X, in Oeuvres, volume XIII, traduction E. Trehorel et G. Bouissou, Paris : Desclée de Brouwer, 1962, pp. 616-617
[2] Ce texte doit beaucoup à l'ensemble de la pensée de Georges Didi-Huberman, citons en particulier Fra Angelico : dissemblance et figuration, Paris : Flammarion, 1990 et Devant l'Image : question posée aux fins d'une histoire de l'art, Paris : Minuit, 1990.



© Anthony Poiraudeau - 2008
© Laurent Dupont, Erwan Feigna, Jean-Marie Flageul, Tony Guillois, Lagueff - 2006, 2007, 2008

dimanche 17 août 2008

Publication R.A.B. : La Région de la dissemblance est disponible



Publication d'R.A.B., La Région de la dissemblance , création Jean-Marie Flageul pour Harrty-Tzana, 2008






La dernière exposition en date d'R.A.B., La Région de la dissemblance, qui s'était tenue à l'espace culturel Le Volume, à Vern-sur-Seiche (Ille-et-Vilaine) du 1er mars au 5 avril 2008, a donné lieu à une publication.


Le livret deux couleurs, mis en page et en forme par Jean-Marie Flageul pour Harrty-tzana, comprend 12 pages, 6 illustrations et un texte théorique.


Cette publication est gratuite et disponible sur simple demande à notre adresse électronique : collectifrab@yahoo.fr




L'ensemble du projet s'est organisé ainsi : nous avions communément décidé que je donnerais à mes camarades un thème de travail pour l'exposition de Vern-sur-Seiche. J'ai préféré ne pas y exposer moi-même et fournir un point de départ plutôt qu'un thème. Mes cinq comparses ont réagi sous la forme de l'oeuvre (ou des oeuvres) qu'ils ont montrée lors de l'exposition. La partie la plus conséquente de mon travail intervint à la suite du dévoilement des oeuvres : il consista en la rédaction d'un texte théorique sur les oeuvres exposées par les cinq compères, publié dans un livre sur l'exposition, conçu par Jean-Marie, reproduisant également des images des oeuvres présentées.


J'ai proposé le point de départ suivant à Erwan, Jean-Marie, Lagueff, Laurent et Tony : une citation de Saint-Augustin, extraite des Confessions :
"Tu as frappé sans cesse la faiblesse de mon regard par la violence de tes rayons sur moi, et j'ai tremblé d'amour et d'horreur. Et j'ai découvert que j'étais loin de toi, dans la région de la dissemblance."[1]
Dès lors, furent prévus le titre de l'exposition et de la publication (à savoir La Région de la dissemblance), ainsi que les axes problématiques du texte que j'allais rédiger (à la condition, bien sûr, que les oeuvres présentées par mes amis me permettent un usage pertinent de ces axes - ce fut le cas, me semble-t-il) : visuel - visible - lisible.


Je dois à l'honnêteté intellectuelle d'indiquer que cette citation de Saint-Augustin, ainsi que ses enjeux théoriques dans le cadre de l'étude des images, ont été portés à ma connaissance par les travaux de Georges Didi-Huberman, et que consécutivement, le contenu de mon texte leur doit beaucoup[2].




Anthony




Notes :
[1] Saint-Augustin, Confessions (391-400), livre VII, chapitre X, in Oeuvres, volume XIII, traduction E. Trehorel et G. Bouissou, Paris : Desclée de Brouwer, 1962, pp. 616-617. Je souligne.
[2] Notamment Fra Angelico : dissemblance et figuration, Paris : Flammarion, 1990 et Devant l'Image : question posée aux fins d'une histoire de l'art, Paris : Minuit, 1990

vendredi 8 août 2008

R.A.B. a son profil facebook



détail de l'installation de Lagueff pour l'exposition Relation Accueil Bonheur, Galerie Le Coin, Rennes, 2001


R.A.B. a désormais un profil facebook. Comme tout le monde. On avait lancé un profil hi5 il y a un peu moins d'un an de ça, mais hi5 s'est tellement fait supplanter par facebook que ça avait fait long feu. Aujourd'hui facebook, c'est vraiment the place to be on the web (et myspace, mais nous ne sommes pas un groupe de rock, à ce jour du moins).


Pour nous l'enjeu, l'avantage, c'est bien sûr de faire du réseau. Pour vous, l'avantage, c'est de pouvoir devenir l'ami d'R.A.B. en cliquant ici. C'est aussi de pouvoir recevoir par ce biais des informations sur nous et sur nos activités, et d'être tenu au courant de la publication de tout nouveau billet sur ce blog.



Anthony, big brother friend